Capture et révélations (Yue)

Ambiance

Deux jours….48 heures….2880 minutes à attendre…..
Attendre quoi….

Cela fait 48 heures qu’elle est enfermée dans un des cachots de la cave, en attendant….
En attendant quoi….
…Qu’il se décide à aller la voir peut-être….

Assis dans la pénombre de son bureau, le Prince Dragon, se terre…..
Ses traits sont figés par une colère qui ne le quitte plus….la douleur d’avoir retrouvé celle qui l’a poussé dans les ténèbres pour l’éternité, grave d’un cercle brûlant son appareil respiratoire….

*Je t’aime Hu tu…..*

Il ferme ses paupières d’amande, crispe ses doigts sur un médaillon….celui d’un Dragon embrassant de son corps sinueux, un quartier de Lune….
*Ton père….*
Le jeune homme qu’il était se raidit….ses souvenirs l’enveloppent d’une membrane douce et cotoneuse….le satiné de sa peau sous ses doigts….pour la première fois…
*Sun…*
*Laisse-toi faire….prouve-moi ton amour *….

La douceur de sa peau qui se hérisse de petits points sous ses mains empressées…sa gorge si pâle offerte pour la première fois aux lèvres d’un homme….tout cela, elle le lui donne parce qu’elle l’aime, et qu’elle sait que lui aussi l’aime….

Sun ouvre les yeux…la lueur de Séléné éclaire la moitié de son visage….et les souvenirs affluent…comme si c’était hier…comme s’il cherchait une excuse pour lui pardonner…
Pardonner ce qui est impardonnable….envisager l’inenvisageable….
Les voiles de soie du lit princier sont marqués par la preuve d’amour qu’elle lui réservait….doucement il caresse son visage…lui sourit…

*Quand comptes-tu l’annoncer à ton père ?
Annoncer ? Annoncer quoi ?
Et bien…pour toi …et moi…..*

Un éclat de rire aussi coupant que le diamant brise à l’instant tous ses rêves de petite fille….il secoue la tête….du bout de l’index redessine la courbe de son menton délicat….
*Je n’ai pas besoin de prévenir mon père lorsque je choisis une concubine…*

La Lune trop brillante aveugle le Vampire qui détourne la tête, sans doute pour ne plus entendre les pleurs de la jeune fille dont il a pris l’innocence….à qui il avait tout promis pour la douceur de sa peau….la chaleur de ses reins….
Une voix le tire de sa rêverie…il sursaute légèrement, cache par reflexe le médaillon qu’il serre au creux de son poing.

Sun….
Il fait tourner son fauteuil, face à lui une femme d’origine afro- Américaine, la trentaine, le regarde…
Cette fille….tu ne peux pas la laisser comme ça….c’est cruel….tu n’es pas quelqu’un de cruel….
Sora…tout ce que tu dois savoir d’elle est qu’elle est perfide et dangereuse….
La femme lève un sourcil…puis, mains campées sur les hanches, secoue la tête….
En quoi est elle dangereuse, tu l’as enchainée au mur…depuis 48 heures elle n’a pu se nourrir….nous lui aspirons son sang depuis deux jours, elle est tellement affaiblie qu’elle ne peut même plus marcher….
Elle est résistante…..
Ce n’est qu’une femme…
Elle en a l'apparence, mais elle n'a plus rien d'une femme...
Ça ne peut pas continuer comme ça Sun…si tu ne la libères pas j’en référerai à Sang !!!!
Mais Sora n’a pas le temps de réagir que déjà le Dragon est à côté d’elle, enserrant de ses griffes, sa gorge fragile….
Comment ose-tu discuter mes ordres??? Si tu parles à mon frère, je te tuerai....
Ses yeux rutilent dans la pénombre, ses crocs s’allongent doucement…..du bout de sa langue pointue, il lèche la peau de son cou…
La jeune sorcière, ferme les yeux, déglutit difficilement pour articuler quelques mots…..

Tu n’es pas quelqu’un de cruel Sun……
Il se mord la lèvre, puis détourne les yeux…..desserrant son étreinte, il finit par la lâcher. Les secondes s’égrènent doucement tandis que main sur le front il marche doucement afin de reprendre ses esprits…..

Je vais aller la voir….maintenant disparais de ma vue….
La jeune femme le salue, puis s’évapore doucement dans un bruit d’étoffes…

Une heure plus tard, il tourne encore comme un lion en cage, un sourd grondement semble venir du plus profond de sa gorge….

Il lève enfin les yeux vers un sabre posé sur un socle de bois…..décidé maintenant à en finir avec elle….
Pour ne plus jamais entendre sa voix au creux de ses nuits
Pour ne plus voir en aucune femme sa silhouette délicate…
Pour ne plus goûter la profondeur de son regard, la chaleur de ses lèvres dans chacune de ses conquêtes….
Pour enfin se libérer d’elle, il doit en finir….définitivement

Ambiance 1

La peau douce d'une main aimante effleure son front. Des lèvres la suivent, déposant un tendre baiser sur le sommet de son visage aux rondeurs encore enfantines.

Lève toi ma chérie, lève toi Hu-Tu...
Mère ?
Le soleil se lève et tu dois faire de même.
Pourquoi ?
Aujourd'hui commence ton service auprès du Prince Sun, tout doit être prêt pour le lever de son Altesse.

A l'instar d'un diable sortant de sa boite, la fillette saute des draps pour se dresser sur ses deux pieds. Rapidement, ses ablutions sont faites pour revêtir la tenue qu'il lui a été donnée la veille en vue de ses nouvelles fonctions.

Voilà maintenant trois années qu'elle assiste sa mère, femme de chambre particulière de l'Impératrice, dans le but de ce jour, celui où elle prendra les mêmes fonctions, auprès du fils cadet du couple impérial. La célébration de ses dix ans, la veille, a marqué ce tournant tant attendu. C'est avec impatience qu'elle écoute les dernières recommandations maternelles, les mains serrées contre son giron, fillette à la limite de l'adolescence, afin de satisfaire au mieux l'honneur de la charge qui lui est confiée...

La douceur et la joie de l'instant s'évanouissent soudain, la scène s'assombrit. De ce merveilleux lever de soleil teintant d'orangés et de rouges les cieux de la capitale chinoise, ce sont à présent l'enclos des murs du palais, l'obscurité de la nuit qui s'imposent.

Ambiance 2

La chaleur de ces bras qu'elle aime plus que sa propre vie... Le poids de ce corps auquel elle s'est dévouée corps et âme tout contre elle... L'odeur de la pluie au dehors... La fraicheur de l'air nocturne sur sa peau nue... Tout cela semble si réel du fond de ce qui est devenue sa prison depuis deux jours. Dans les limbes oniriques dans lesquelles elle se trouve plongée, rêves se confondent ici avec réalité.

Si elle ne peut se relever, elle se voit marcher vers l'extérieur de la chambre princière, foulant le sol de ses pieds nus, cherchant la sortie à tatons, du bout des doigts. Trouver cette entrée d'air afin que cela ne Le réveille pas. L'anti chambre lui offre sous sa paume l'étoffe de soie de son kimono qu'elle revêt en hâte pour chercher l'origine de l'intrusion.

La suite... Son corps affaibli s'arque à ce souvenir, se débattant du peu de forces qui lui restent contre ces poignes fortes qui la saisissent, cette main qui la bâillonne. Son souffle se coupe en parfaite synchronisation avec l'image d'elle qu'elle entrevoit à l'instant où son petit corps est projeté sur l'épaule d'un soldat, ses poumons soudain compressé par l'épaulette d'une cuirasse.

Ses petits poings serrés se rappellent alors la douleur des écorchures alors que, jetée au sol dans un coin sombre du palais, elle tente de se défendre, frappant à l'aveuglante, pleurant de terreur... Le choc des coups destinés à l'assagir... les rires gras d'hommes d'armes heureux du présent de ce soir... Des insultes jaillissant de toutes parts qu'elle n'entend pas... jusqu'à une phrase, le début d'un dialogue qui la plonge dans une torpeur profonde, craignant de comprendre.

Profitez les gars ! Cadeau du Prince ! Forcément, avec un petit corps comme ça, ça peut que lasser ce genre de donzelle...
Plutôt pas mal dans le genre restes !
ça... il a pas mauvais gout Son Altesse !
Allez ma mignonne... Montre nous ce que tu sais faire ! Fais nous ton numéro, celui avec lequel tu as gagné la couche du Prince !
Fais pas ton effarouchée... on te fera pas de mal ... beaucoup de bien, au contraire...
Mais oui, n'ai pas peur ! De toute façon, on a interdiction de te tuer... juste de t'épuiser !

Les sanglots agitent sa poitrine tremblante, instinctivement, c'est en position foetale qu'elle se place pour se protéger tout autant de leurs mains baladeuses qui déchirent la soie précieuse de sa tenue que de leurs mots qu'elle ne veut pas croire...

Enfin, les yeux de Yue se rouvrent, peinant à s'adapter à l'obscurité ambiante malgré sa nature vampirique. Si son esprit a retrouvé le monde réel, à celui ci se superpose encore les silhouettes sombres de ses bourreaux. Là, à l'entrée de la cave, se dessine la cause de son semi éveil... Lui... il vient d'entrer... il est là.

Le petit être fragilisé se rassemble afin de se redresser, tirant sur ses chaines pour se relever. Au milieu de ses tortionnaires, c'est lui, le Prince... son Prince, celui de ses rêves, comme de ses cauchemars qui vient mettre fin à ses souffrances, enfin... Accrochée à ses fers, elle se dresse pour lui faire face, le visage rougi par les larmes de sang, liquide vital qui vient à lui manquer cruellement faute de nourriture. Ses paroles ne sont que murmures, une supplication. Au travers de cette voix mélodieuse qui est devenue sienne à sa transformation, ce sont les échos de la terreur de la jeune femme d'antan qui se font entendre...

Ne les laisse pas ... Si tu ne veux plus de moi... Laisse moi mourir... Tue moi... Je t'en prie... Mais s'il te plait... ne fais pas ça... Ne les laisse pas... Je ne veux que toi... Sun... Par pitié tue moi !

Ses intonations grimpées dans les aigus se brisent soudain sur la dernière syllabe de sa prière hachée par les pleurs. Alors qu'elle retombe durement contre le sol, ses yeux se relèvent, fixant le sabre qu'il empoigne comme l'objet de son salut... peut être aussi de son pardon... Ce qu'elle aurait désiré... neuf cent ans auparavant... Tout... y compris la mort de sa main... plutôt que son rejet aussi douloureux que tout ce qu'elle a enduré pendant les quelques dernières heures de sa vie mortelle...

Ambiance

Il se tient là…face à celle dont il est devenu le bourreau….
Ne les laisse pas ... Si tu ne veux plus de moi... Laisse moi mourir... Tue moi... Je t'en prie... Mais s'il te plait... ne fais pas ça... Ne les laisse pas... Je ne veux que toi... Sun... Par pitié tue moi !

Alors qu’elle retombe, secouée de spasmes et de sanglots, il se mord la lèvre à sang, serre le manche de son sabre puis s’agenouille….
Saisissant ses perles de cheveux, il redresse son visage vers lui…

Encore d’autres mensonges, pour me faire souffrir d’avantage !!!!
Sun…
Tais-toi espèce de garce…tout est ta faute….mais qu’est ce que je t’avais fait ???? Je t’aimais à en mourir, et tu m’as trahi….
Jamais….je ne t’ai jamais trahi….jamais…..c’est toi…..
La petite, semblable à une poupée désarticulée, écarquille les yeux, surprise elle-même par sa propre audace…
La lame brille sous la faible lumière du cachot, bientôt toute étincelle de vie s’affadira….le prince Dragon en a décidé ainsi…pourtant son geste s’arrête…..

C’est toi…
….juste 3 mots qui remettent en question près de 1000 ans de haine…..1000 ans de questions….
Que dis-tu ????
Je ne veux que toi…..ne les laisse-pas….tue-moi….

C’est à ce moment que les yeux de Sun se mettent à rutiler, pénétrer l’esprit de celle dont il tient à présent le visage….
Le sabre vient de tomber au sol dans un bruit métallique…..la petite s’accroche aux mains qui la tiennent en coupe….sent le vent pénétrer son corps tout entier…..son esprit, cette scène innommable qu’elle revit sous les yeux de son prince qui à présent habite ses pensées…..
Un cri…un hurlement, elle se débat, le repousse avec l’énergie du désespoir…
Et tandis que d’autres mains l’envahissent et la violentent, seuls ses cris déchirent à présent les voiles de la nuit…..

NE ME REGARDE PAS !!!!!
Habitée par une sorte de démon elle parvient à le repousser avec une force telle, qu’il finit par la lacher, cassant tout contact psychique avec elle….
Elle tremble, semble marmonner des paroles inintelligibles, suffoque et pleure à la fois, honteuse et souillée face au regard de l’homme qu’elle a toujours aimé….

Un homme qui a présent se redresse doucement, livide, les lèvres entrouvertes par un mot….

Hu-Tu…….
Il se précipite alors vers elle, horrifié, complètement déstabilisé par ce qu’il vient de voir….son visage a changé, cette fois il ressemble à un petit garçon maladroit face à un moineau blessé…..
…je….je ne savais pas…..JE NE SAVAIS PAS !!!!!!

Enfouissant son visage dans le cou de la jeune femme, il la serre à l’étouffer…..scelle sa rage d’un baiser violent qu’il regrette aussitôt….
Epuisée, le visage de Yue bascule vers l’arrière, à l’instar de ces oiseaux morts dont le cou ne possède plus aucune raideur….
…je t’en supplie reste avec moi !!!!!

D’un coup de dent il s’écorche alors le poignet afin de faire couler son sang dans la bouche de la jeune chinoise…..
Il panique, se met à trembler à son tour....balbutiant quelques syllabes incompréhensibles.....
Les seuls mots qu’il parvient encore à articuler tandis que la vie s’écoule dans sa gorge, se disputent la place aux baisers qu’il dépose sur son front…..

Pardonne-moi…..pardonne-moi…Wo de ai....

Ambiance (à commencer à 37secondes svp...)

Durant toute son inconscience, les derniers mots qu'il a prononcé tournent en son esprit, litanie obsédante à laquelle ses lèvres répondent dès son premier éveil...

*Pardonne-moi…..pardonne-moi…Wo de ai.... *
Tu es pardonné ... tu l'as toujours été... par celle qui ne pourra jamais l'être...

Son sang en elle la reconstitue petit à petit, avec une lenteur exaspérante pour ses observateurs qui la veillent avec application. Présences sans visage, elle les sent aller et venir autour d'elle, ainsi qu'elle garde le souvenir de cette sensation, lorsqu'il l'a transportée jusque dans cette chambre emplie de son odeur...

Les jours et les nuits se succèdent les unes aux autres, à l'instar de ses phases d'éveil et de sommeil. A chaque crépuscule, ses yeux tombent sur une belle noire, une sorcière apparemment, du nom de Sora. Avec elle, chaque fois, de la nourriture, du sang... de quoi refaire ses forces... à la demande de Sun, ainsi qu'elle le lui affirme...

Systématiquement, elle le refuse, même si son corps le réclame, se tend vers ce soulagement que lui apporterait le liquide vital qu'elle sent courir dans les veines qui lui sont présentées. La faiblesse prend possession d'elle un peu plus à chaque heure qui passe, l'amenant à la limite de ses résistances.

Déjà, ses jambes ne lui répondent plus, refusant de soutenir le moindre pas. Cependant, auréolée de sa lourde chevelure blonde sur les draps de satin noir, elle n'en a cure... Peu importe tout le reste puisque, lui, elle ne l'a revu depuis cet instant où elle a sombré... depuis ces images qu'il a arraché à son esprit.

A chaque rêve qu'elle fait, c'est un morceau de son passé qui s'ajoute à l'histoire si longtemps oubliée, celle de son humanité... Une vie toute entière axée autour d'une seule raison, d'un seul homme... le Prince Dragon... Du désir de le servir au mieux enfant, jusqu'à celui d'être aimée de lui ne serait ce qu'un peu de la femme adulte, elle n'est que par sa présence. La flamme qui l'anime ne peut être sans lui...

Chaque réminiscence amène cette certitude à la vampire... durant neuf cents ans, elle a erré sans but, comme si l'oubli de son passé lui avait ôté tout avenir... à présent, elle sait, elle comprend... Elle l'a aimé ... tant aimé ... sans faille, jamais, jusque dans son existence vampirique, sans même se souvenir de lui, elle lui est restée fidèle...

D'entre toutes, la scène que son esprit ramène le pus souvent à la surface est la dernière, la plus traumatisante... celle qu'il a contemplé... ce dont elle ne peut se remettre. Plus difficilement encore qu'elle parvient à surmonter ce souvenir, celui de son prince contemplant cet outrage la hante.

*Je ne savais pas ...*

Certainement là est la raison pour laquelle, avant, il posait encore les mains sur elle... Et aussi, probablement, celle pour laquelle elle ne l'a plus vu depuis l'heure... Comment pourrait il encore admettre de ne poser ne serait ce que les yeux sur un être souillé, au dessous de tout et surtout de lui tout en sachant cela ?

Heureusement, la chaleur de son affection passée la réchauffe de l'intérieur, lui permet de survivre, de comprendre ou du moins d'essayer... savoir pourquoi le destin a t il voulu que neuf cents années s'écoulent sans qu'elle ne puisse se souvenir de lui, contempler ses traits tant aimés... A l'instant où les soldats ont dit qu'il ne voulait plus d'elle, sa raison de vivre a disparu... tout comme sa vie entière, alors à quoi bon s'en rappeler s'il n'est plus pour elle ?

Et pourtant, en dépit de tout bon sens, malgré les auto admonestations auxquelles elle se livre, Yue ne peut s'empêcher d'attendre l'instant où elle verra sa superbe silhouette passer la porte, s'offrir à son regard. Une phrase la retient d'abandonner... elle le sait, il reviendra... son prince, son soleil, celui qui, dans son sommeil, la prie de rester auprès de lui

Encore une fois, l'astre diurne se couche pour laisser place à sa pâle compagne... Sora lui présentant la nourriture... que toujours l'asiatique refuse... et toujours cette même question qu'elle ne peut s'empêcher de poser à la sorcière, cet espoir qu'elle se refuse à garder. Cependant, cette nuit, le désespoir de ce petit être prostré au fond de sa couche semble toucher plus profondément l'afro-américaine.

Je ne sais pas...

C'est avec un soupir qu'elle lui fournie sa réponse habituelle. Néanmoins, pour la première fois, elle ne quitte pas la pièce aussi rapidement qu'à l'habitude. Sa mine est contrite alors qu'elle s'arrête, main sur la poignée, pour continuer, tenter de redonner à cette immortelle sur le déclin le courage qui lui fait défaut pour affronter son éternité.

Je crois que vous devriez cesser de l'attendre... Sun ne viendra pas, vous devez vous reprendre et vivre pour vous.

Un pâle sourire éclaire le visage avenant de l'humaine tandis qu'elle se retire. Ses mots d'encouragement ne quittent pas Yue... ou Hu-Tu, à vrai dire, même elle ne sait plus très bien qui elle est. Cependant, l'impact qu'ils ont sur elle n'est pas celui espéré par leur auteur... Cet espoir, celui auquel elle se raccrochait de toute ses forces est donc vain... complètement vain...

*Sun ne viendra pas...*

Là est le verdict. Comme elle le redoutait, il ne veut plus rien avoir à faire avec elle. Oh comme elle le comprend, elle qui a déjà tant de mal à se regarder dans un miroir depuis qu'elle se rappelle, qui ne saurait comment soutenir de nouveau son regard au savoir qu'il a pu contempler son déshonneur. Comment espérer qu'il lui garde une infime parcelle de son cœur alors qu'il sait, qu'il a pu voir ces hommes la souiller de leurs mains, de leurs corps, la rendant à tout jamais indigne du prince qu'il est et restera à jamais.

*...vous devez vivre pour vous...*

Ici se trouve la sentence. Inapplicable, invalide... A présent qu'elle se souvient, elle en est consciente, vivre si ce n'est pour lui, par lui... impensable, inenvisageable, la mort est largement préférable. La solution afin de lui ôter le poids qu'elle doit représenter pour lui, elle la connait et est prête à l'appliquer, sans appréhension, puisque c'est pour lui.

Forte de cette certitude, la Hu-Tu du passé et la Yue du présent unissent leurs forces, l'humaine blessée et la vampire déchue, dans un ultime but. Enfin, elle se redresse sur ses deux jambes pour approcher la fenêtre, contemplant le paysage illuminé par la lune.

Au bout de ses doigts, la sonate de Beethoven est presque douloureuse de ce besoin de poser les mains sur un piano. Mais qu'importe ! Il n'est plus temps... Appuyée contre la vitre aussi froide que sa chair, elle attend, cet instant où son sixième sens la préviendra de l'aurore imminente... Instant qui ne tarde plus. D'une impulsion, la fenêtre s'ouvre, rapidement imitée par les volets opaques.

Dans une dernière pensée, uniquement rivée sur lui, la lionne devenue papillon prêt à se bruler les ailes fixe le couvert des arbres au loin, là où le mortel astre ne saurait tarder, la délivrant de ce fardeau qu'est la vie, sans l'être qui porte son nom...

Ambiance

Les nuages bougent dans le ciel comme autant de chevaux au galop, l’accélération des particules rend l’air électrique, et tandis que le soleil pointe à l’horizon, dardant ses premiers rayons aux pieds du papillon, celui-ci, bras en croix, s’offre en sacrifice…..
Son peignoir de voile, suit les mouvements de l’air qui la crucifie par vagues de reproches.
La tête en arrière, les yeux clos, elle goûte une dernière goulée d’air, prête à mourir par l’astre qui lui donnait la force de vivre autrefois….

Un bruit dans la chambre, le loquet d’un porte qui se soulève…une voix qui tente de se frayer un chemin dans les voiles cotonneux de son esprit….

U-Tu NON !!!!!

L'homme devient animal, et tandis que l’astre solaire brûle la peau de la jeune femme, le Dragon se lance sur elle dans un cri de rage…..
Leurs deux corps roulent au sol, l’odeur de chair brulée s’évapore autour d’eux, et dans un geste ultime pour la protéger, Sun tire sur les rideaux qui font normalement office de décoration…
Le velours masque d’un coup les deux silhouettes recroquevillées au sol, la jeune femme gémit sourdement sous le poids du Dragon qui de ses ailes la protège de tous, mais avant tout d’ elle-même.

Essouflé, il se redresse d’un bond, grimace, puis rugit à la façon d’un lion en colère….

TU ES FOLLE ????????
Il cherche ses mots, balaye avec humeur la mèche de cheveux qui s’évertue à cacher son œil rutilant de rage.
Tu voulais mourir ??? TU CHERCHES A ME PUNIR DE QUOI ?????
JE NE SAVAIS PAS !!!!!!!!
D’un geste furieux il frappe le mur dont le plâtre s’abîme…un coup, un second, puis un troisième qui voit sa voix s’érailler doucement…s’affadir en un souffle….
Je ne savais pas…..
Baissant la tête, il tente de reprendre ses esprits…il sait que pour la seconde fois il a faillit la perdre…
Il ne peut s’empêcher de la haïr autant qu’il l’aime, sa voix se fait couteau lorsqu’il s’adresse à celle qui a peuplé ses rêves et ses cauchemars depuis plus de mille an, une façon sans doute de le lui reprocher….
Pourtant en prononçant cette dernière phrase, l'homme se comporte comme un petit garçon abandonné...
Je pensais que tu m’avais quitté….

Alors qu’elle tente de se redresser sur ses mains, son corps se met à trembler…
Moi te quitter ?
Trois mots….suffisants pour ébranler le prince…..
Te quitter…moi qui n’aimait que toi…..qui ne vivait que par toi….
Cette fois la colère s’empare de son corps fragile dont les tremblement s’accentuent….
Te quitter ?????

Elle redresse la tête, et soudain leurs regards se croisent, s'accrochent l'un à l'autre…

Accuse-moi de tous les malheurs du monde…de ton état de vampire, du soleil qui brûle et assèche les récoltes, des tremblements de terre et de la colère de ce Dieu qui ne nous a jamais protégé….
Accuse-moi d’avoir été présomptueuse, d’avoir cru que tu me prendrais comme épouse…accuse-moi d’avoir été sotte et naïve…..

Puis, un sanglot naissant au fond de la gorge, sa voix s’élève devenant reproche….

Mais ne m’accuses jamais de t’avoir quitté Sun...JAMAIS!!!…

Ambiance

Le sanglot gonfle au fond de sa gorge. Parcheminée de cette grève de la faim que sa peine lui a imposée, celle ci est douloureuse. A chaque fois qu'elle inspire de l'air pour continuer, la souffrance se fait plus cuisante. Un instant , elle songe que si elle avalait une épée chauffée à blanc, il en serait de même... Une le long de sa gorge, l'autre en travers de son cœur.

Cependant, si la Hu-Tu d'autrefois, celle du Prince Sun, souffrait en silence, retenant ses humeurs de son mieux afin de s'effacer dans le sillage de son seigneur et maitre tant aimé, celle qu'elle est devenue refuse de contempler sa chute. Comme si le démon en elle reprenait de l'assurance devant la colère de l'humaine qu'elle fut, ses traits se modifient.

Un éclair de dureté prend place dans ses yeux plus sombres encore que d'ordinaire, la soif étant là. Féline, une inspiration soulève sa poitrine, maitrisant les tremblements de ses membres dans un silence qui a soudain coupé le plaidoyer de Hu-Tu. Yue, cette femme dur et froide, sans passé, cette artiste reconnue ne supporte pas de se voir ainsi, plus bas que terre. Ses deux « elle » si unies quelques minutes auparavant semblent alors se distinguer l'une de l'autre, la plus récente cherchant à se détacher de cet état inadmissible dans lequel s'est plongé la première. Colère, douleur et amertume s'entendent, enrobant chacun de ses mots du poison le plus douloureux qu'elle ait jamais connu ... le reproche.

Jamais Hu-Tu ne t'aurais quitté... même si jamais tu ne l'as comprise !

La modification est violente, évidente. Le détachement de la vampire alors qu'elle parle de cette part d'elle même à la troisième personne est celui d'une femme sure d'elle, ne craignant plus le jugement... celle qui a pris le pas sur la créature faible et pitoyable qui se tenait quelques instants plus tôt à sa place. Tous les souvenirs remontent à la surface en un instant... Petits moments de solitude pour cette femme ne vivant que pour et par celui qu'elle aime, instant d'égoïsme purement princier de sa part, ordinaire... si douloureux...

Elle t'a tout donné, TOUT ! Toujours ! Depuis son plus jeune age, elle t'a servie avec application, faisant tout pour te rendre la vie la plus facile possible. A-t-elle jamais exigé quelque chose d'autre en retour que de pouvoir demeurer auprès de toi ? JAMAIS !

Chacun de ses muscles frémit de la rage à peine contenu dans ses propos. Intérieurement, le déchirement entre Hu-Tu et Yue s'entame. L'une voudrait pleurer, faire taire cette autre qui ose jeter ainsi ces mots au visage de son prince. L'autre n'en peut plus de se voir si faible. Si l'amour qu'elles ressentent toutes deux faire vibrer leur être est partagé, la façon de l'exprimer est toute autre.

« Prouve moi ton amour » ... Ne sont ce pas là les mots que tu lui as susurré à l'oreille avant de prendre son innocence ? N'est ce pas par cette phrase que tu l'as irrémédiablement liée à toi ? Même déflorée par le prince, comment aurait elle jamais pu espérer après cela une vie normale de servante ? S'en est elle jamais soucié ? Non, tout ce qu'elle voyait, c'est toi ! TON bonheur ! Même ton rire devant sa naïveté, elle l'a pardonnée... Dieu qu'elle les aurait aimé les bâtards que tu lui aurais donné ! Plus que sa vie... tout comme toi...

Montée dans les aiguës, la voix ne se contrôle plus. Tantôt murmure rauque, tantôt feulement de chatte en colère, le débit de ses paroles ne semblent plus vouloir s'arrêter, comme si, par ses mots, elle souhaitait clouer cet être si égoïste au pilori de sa culpabilité. Qu'enfin, il réalise...

Jamais tu ne mourras ! Cela tu peux le lui reprocher à elle comme à moi... Elle a sauvé ta vie, je t'ai donné l'immortalité... Elle a préféré mourir, s'oublier à jamais plutôt que d'admettre que tu puisses ne plus vouloir d'elle... Sais tu seulement combien elle a souffert de ses mains sur elle ? Combien elle aurait aimé pouvoir faire quelque chose pour se défendre ? Et pourquoi elle n'a rien fait ?
*TAIS TOI !*

Ce cri en son crane la pousse à porter une main à son front, néanmoins, elle continue, vibrante de haine comme son autre l'est d'amour.

Car elle les a cru... Elle pensait que c'était ce que tu voulais, que tu l'avais rejetée !!! Alors... a quoi bon lutter ?

Dans un élan de force soulevé par la rage, elle se porte jusqu'à lui de sa vitesse surnaturelle. Ses ongles longs se plantent dans ses paumes à sang tandis que ses petits poings serrés frappent le torse de l'homme face à elle, de toutes les faibles forces qu'il lui reste. Assez pour briser les côtes d'un humain, trop peu pour ne serait qu'arracher une infime douleur à ce vampire pétri d'orgueil qu'elle aime et hait tant en cette minute.

Alors, vraiment... Tu as tout simplement abandonné ? Tu as vraiment pu croire qu'elle t'avait quitté après qu'elle t'ait tout donné ?
Je ne savais pas ...
Tu ne VOULAIS PAS savoir !!!!!! Toute ton éternité tu l'as passé à nous haïr... as tu seulement envisagé un instant, que le plus haïssable d'entre nous, ce soit TOI ? Je te hais aussi fort que tu en as à mon encontre... et je la déteste tout autant... car malgré toute cette haine, elle parvient encore à me faire t'aimer !

Le sanglot repoussé au fond de sa gorge la saisit sur les derniers instants, noyant ses derniers mots dans un cri proche du désespoir... Celui d'une créature immortelle, maitresse d'elle même et de sa vie à défaut de son passé, dont la volonté se délite lentement... pour un homme qu'elle voudrait haïr... pour la seule créature qu'elle ait jamais créé... Le seul qui ait jamais touché son cœur de glace...