Kasuke Tenshin

Le soleil venait à peine de se coucher lorsque la jeune femme arriva enfin devant l’immeuble. Il était complètement délabré, en ruine et une personne normalement constituée ne s’y serait jamais aventurée. Mais voilà, Jin Wan n’était pas une femme ordinaire, elle était journaliste et avait des croyances peu orthodoxes. D’ailleurs, ça lui avait valu les railleries de ces confrères et elle était souvent, voire quasi-toujours, la risée de son entourage.
Mais Jin Wan n’était pas femme à se laisser abattre si facilement et lorsqu’elle avait une idée en tête, rien ni personne ne pouvait l’y détourner ! C’est avec ces idées qu’elle se retrouva devant cet immeuble ou plutôt, avec cette idée assez saugrenue… Vous vous demandez laquelle ? Avant de vous la dévoiler, laissez-moi plutôt vous rapporter ces propres paroles… Enfin, ceux de sa grand-mère…

" Il y a bien longtemps, une jeune femme a sombré dans la partie la plus sombre de son existence. Elle s’est laissée dévorer par les ténèbres et est devenue son enfant.
Elle qui était si douce par le passé est devenue le plus redoutable des prédateurs… Malgré tout, même le plus féroce peut devenir aussi docile face à l’Amour…"

Voilà le récit que lui avait conté sa grand-mère, le récit d’une femme qui avait embrassé les ténèbres mais qui avait vite retrouvé la lumière… Jin Wan y croyait depuis toujours. Et elle était bien la seule… il faut dire que c’était la benjamine d’une famille de cinq enfants et par conséquent, d’après ses frères et sœurs, la plus naïve. Mais elle ne voyait pas les choses de cette façon ! Elle croyait en sa grand-mère, elle croyait en cette histoire mais surtout, depuis qu’elle l’entr’aperçut…
Oui, je sais, je m’éloigne du sujet mais que voulez-vous, lorsque je parle de Jin Wan, je peux m’empêcher de penser à son parcours… Bon, revenons-en au fait car je pense que vous voulez du concrets, non… ?

Jin Wan venait d’avoir enfin un début de réponse. Elle savait, elle sentait qu’elle touchait au but et cet entretien allait enfin révéler au grand jour qu’elle disait la vérité, que sa grand-mère disait la vérité ! Malgré tout, elle n’était pas vraiment rassurée… et malgré ses apparences de " dur" , au moindre faux pas elle savait qu’elle y resterait. Il fallait vraiment qu’elle joue serré…
En poussant la porte de l’immeuble, elle se retrouva face à, ce qui semblait être, le gardien. Il était de type européen, trapu, mal rasé et mal habillé. Son polo trop petit faisait ressortir le gras de son ventre ce qui révulsa la jeune femme. Malgré tout, elle le salua d’un signe de tête et s’engouffra dans l’escalier qui semblait arriver à la fin de sa vie.
Arrivée au deuxième étage, non sans mal, elle s’avança vers la porte portant le numéro 13. "Ironique" pensa-t-elle. Elle n’eut le temps que de lever sa main droite pour frapper qu’elle s’ouvrit.

- Je vous attendais Jin Wan-sshi.
- Co…

Elle ne continua pas sa phrase ; elle savait que c’était stupide de sa part.

- Je suis contente que vous ayez accepté cet interview mais…
- Pourquoi je l’ai fait ?
- … Oui
- Tout simplement parce qu’il y a des choses qui doivent être dîtes et que je pense que vous êtes la seule à même de comprendre.

Jin Wan ne comprenait pas vraiment ce qu’il voulait dire par là. Comment elle serait la seule à comprendre ? Ça voudrait donc dire que son article, malgré toutes les preuves qu’elle aura réuni, sera classé en dernière page dans les "faits divers" ? Non, il n’en était pas question ! Elle n’avait pas sacrifier autant pour ça !

- Je ne veux pas être la seule à comprendre ! Je veux que les gens sachent que…

Le jeune homme s’approcha de la journaliste et c’est là qu’elle put distinguer ses traits. Il faut dire que la pièce avait été plongée dans les ténèbres et qu’elle n’avait toujours pas vu son interlocuteur… Maintenant qu’il était plus proche d’elle, elle fut surprise d’avoir affaire à quelqu’un de si jeune. Il devait avoir une vingtaine d’années, 25 ans au maximum, pas plus. Ses petits yeux bruns ressortaient énormément avec l’eyeliner qu’il s’était mis. Ses cheveux d’une noirceur impénétrable étaient coiffés en brosse. Ce qui lui surprit le plus c’était son visage qui n’était pas aussi blanchâtre qu’elle l’aurait cru.
Mais attendez… à quoi pensait-elle en réalité ? Qu’il était un être des ténèbres… ? Jin Wan repoussa rapidement cette idée. Même si elle y croyait fortement, ce genre de personne ne se donnerait pas la peine de prendre un " entretien" avec une journaliste, surtout si cette dernière y croit fortement… non, ça ne pouvait être…
La jeune femme fit un pas de recul lorsque le jeune homme s’avança vers elle. Pas qu’elle en avait peur, enfin si, un peu, mais surtout par réflexe. Elle ne devait pas céder à la panique, elle ne devait pas lui montrer qu’elle avait peur. Non, si elle était là, si elle était devant cet homme c’était parce qu’elle l’avait voulu ! Parce qu’elle voulait prouver au Monde que ces Êtres existaient et que sa grand-mère n’était pas folle !
Le jeune homme avait continué à avancer. Son visage était si près de celui de la jeune femme qu’elle ressentit sa respiration sur son visage. Son regard fut attiré par celui de son interlocuteur. Il était sombre et amplis d’une telle mélancolie. Oui, il avait le regard triste et pourtant, il y avait quelque chose en lui qui disait le contraire, comme s’il était en perpétuel conflit avec lui-même.

- Je suis là parce que vous avez bien voulu me répondre positivement ! fit-elle en le repoussant ardemment.
- C’est vrai, je m’égare… Excuse-moi Jin Wan-sshi.
- Qui êtes-vous ? Et…

Tout en posant sa question, Jin Wan sortit de sa poche un magnétophone. Certes c’était légèrement vieux comme procédé mais c’était le seul qu’elle connaisse digne de confiance. C’est pourquoi elle utilisait l’ancienne méthode oubliée depuis plusieurs années désormais…

- Park Joon immida répondit-il avec un léger sourire.

Jin Wan fut surprise par ce nom car le cousin de sa grand-mère avait le même prénom. Coïncidence ? Peut-être mais la jeune femme n’y croyait pas vraiment. D’autant qu’il semblait bien la connaître… Non, elle devait pas rentrer dans son jeu !

- Pourquoi avez-vous décidé de me donner cette interview ?
- Je pense que tu es en âge de comprendre maintenant…
- Ce n’est pas une simple question de "moi" mais du Monde !
- … Avant toute chose, je vais te parler de mon mentor, de ma maîtresse, de celle qui est devenue ma douce, ma moitié, ma…

Jin Wan ne dit mot mais son regard en disait long. Elle avait bien compris que cette personne devait avoir été importante aux yeux de ce Park Joon. Il faut dire que c’est ce qu’elle espérait car en réalité c’est avec cette "femme" qu’elle avait voulu l’entretien… Qu’importe, peut-être que si elle se débrouillait bien… Elle reprit confiance en elle.

- Qui est-elle ?
- Qui était-elle !
- …
- Ses parents lui avait donné le nom de Tenshin Kasuke. Certains l’appelaient "Kassie" et d’autres "Oni" mais pour moi, c’était Noona, ma Noona !

Oui, je sais, vous ne comprenez pas trop. Que je vous explique un peu alors, Jin Wan est journaliste coréenne et son entretien se passe donc en Corée, à Seoul plus précisément, dans un quartier pas vraiment fréquentable à dire vrai… Comme vous vous en doutez sûrement, Park Joon est lui aussi coréen et la femme dont il parle, Kasuke Tenshin, est japonaise. Mais ne soyez pas si pressé, vous en apprendrez un peu plus un peu plus tard. Concernant ses "surnom", "Kassie" est juste le diminutif de "Kasuke". "Oni" veut seulement dire "Démon" en japonais et "Noona" veut simplement dire "grande sœur" en coréen. C’est une forme de respect. Jin Wan le savait d’ailleurs et elle comprit de suite le lien qu’avait Park Joon et Kasuke Tenshin…